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Les banques et gestionnaires d'actifs s'exposent aux plaintes collectives

L'AGEFI: Tuesday, October 3rd 2017

MIFID II. Les nouvelles règles vont au-delà des vérifications de conformité au moment de l’investissement dans un produit. Elles visent à protéger l’investisseur contre tout événement pouvant impacter les risques.

Le régulateur européen veut imposer aux intermédiaires financiers une nouvelle approche dans les relations avec leur clientèle. Le conseil financier s’orientant à la protection de l’investisseur, plutôt qu’à la vente ponctuelle d’un produit financier, n’est pas qu’une tendance qui se renforce au sein de l’industrie.

Les directives de MiFID II laissent apparaître que ce passage est tout simplement requis dès leur entrée en vigueur prévue pour début 2018. Le profil de risque du client doit rester en accord avec le profil de risque du produit financier tout au long de la relation avec son conseiller. Mais les intermédiaires financiers restent encore bien souvent dans l’ancienne logique, focalisée sur la conformité au moment de l’investissement dans un produit. En faisant ainsi, ils méconnaissent la finalité des directives, qui est de protéger l’investisseur.

Leur manque de préparation à la nouvelle logique les expose eux aussi à un risque considérable. Les investisseurs cherchant à se retourner contre l’intermédiaire après avoir subi des pertes pourraient facilement obtenir gain de cause.

Car il appartient à l’intermédiaire de produire les documents prouvant le respect des dispositions de MiFID II, tout comme le fait que ce ne sont pas les conseils prodigués au client qui se trouvent à l’origine des pertes subies. L’inversion du fardeau de la preuve subsiste à l’échelle européenne. Les plaintes collectives déjà possibles dans le cadre de MiFID I ne donnent qu’un avant-goût de la complexité nettement plus importante qui les attend avec MiFID II.

Le changement d’approche n’a rien d’une sinécure. L’objectif premier de MiFID II est de protéger les investisseurs contre tout événement qui pourrait potentiellement engendrer des pertes. C’est la définition du risque sous MiFID II. Dans cet esprit, environ 500 exigences très complexes ont été élaborées dans le chapitre de la protection des investisseurs. Cela ne veut pas dire qu’il soit exclu que les investisseurs perdent de l’argent lorsque les marchés sont à la baisse. S’ils souhaitent cette garantie-là, ils ne doivent simplement pas acheter des produits financiers. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’en cas de pertes, les investisseurs vont solliciter leur conseiller légal, surtout lorsqu’ils se trouvent sous un régime auquel ils font confiance pour les protéger. Les indicateurs de risque synthétiques (SRI) des produits d’investissement basées sur des assurances destinés à une clientèle retail (PRIIPs) par exemple n’intègrent que trois catégories de produits (sur 12) et ne satisfont pas les exigences en termes de gouvernance produits de MiFID II.

La philosophie de cet ensemble de directives se trouve bien en adéquation avec l’approche d’une large part des investisseurs. «Quoi que vous fassiez avec mon argent, je ne veux simplement pas en perdre», c’est l’attitude de 95% des clients. L’enjeu des discussions avec le client est de trouver un équilibre entre les facteurs de risque (potentiels). L’accord permanent entre les profils de risque des produits et celui du client implique aussi qu’il faut tenir compte de nombreuses autres exigences, comme une communication et information correcte, la limitation des conflits d’intérêt, ainsi que l’optimisation de produits. L’immense complexité rend la situation extrêmement sensible.

L’idée derrière MiFID II est de rétablir la confiance dans les marchés de capitaux. Autrement, les économies, très dépendantes des marchés financiers pour leur développement, vont s’effondrer. Cela commence par la protection des investisseurs privés, telle que prévue par le législateur. Le Parlement européen, la Commission européenne et l’ESMA(l’équivalent de la Finma à l’échelle européenne) partagent tous la même vision en ce qui concerne les objectifs de MiFID II.

Souvent perçu comme dernier tour de vis réglementaire, la visée de MiFID II est donc à priori favorable au monde de la finance. La question est si les banques et les autres intermédiaires financiers sont vraiment déterminés à faire ressortir le meilleur de MiFID II, plutôt que de simplement le considérer comme un nouvel exercice pour cocher les cases – ce qui risque de leur coûter cher. Lancer des produits très ennuyeux, hyper-sûrs, afin de limiter le risque de perte des clients et diminuer ainsi l’impact de MiFID II, reflète plutôt la volonté de ne faire que le strict minimum, et est totalement contraire à l’esprit de cette directive. Celle-ci veut une architecture ouverte, un environnement dynamique. Et non pas des réflexes comme de sortir un client d’un produit dès que celui-ci enregistre des pertes supérieures à 5%.

Rappelons que les intermédiaires financiers doivent évaluer de manière suffisamment régulière plusieurs facteurs déterminants pour savoir si un produit convient au profil de risque d’un client. Si cela n’est plus le cas, ils doivent avertir le client. Ces facteurs ne comprennent pas que le prix ou encore la volatilité. La liquidité, les événements pouvant affecter les caractéristiques d’un produit, le type d’un produit, la détérioration de l’environnement de marché, le franchissement d’un seuil, la solvabilité/le risque de contrepartie, ainsi que la complexité d’un produit doivent eux aussi être réévalués.

La vision très claire et précise des autorités est de rendre les marchés de capitaux à nouveau abordables pour tout le monde. Mais la complexité des directives liées à la volatilité des marchés rend cette partie de MiFID II très délicate à mettre en place. Pourtant, des solutions pour sa mise en œuvre existent.